WORKSHOP LE SAMEDI 19 AVRIL 
AUX BEAUX-ARTS DE PARIS
JARDIN DE LA DIRECTION

PROPOSITION COLLABORATIVE 
DE JULIETTE PERES ET ANNA FRESNÉ

+ 15 ETUDIANT.ES
Accès au jardin possible du 28 avril au 30 avril.
Penser l'horaire.
À ramener :
-cahier
-stylos ou crayons
-caméra
-zoom
Est-ce qu'on fait une petite présentation avant ? 
Lecture de texte ? 
Démonstration ?
TEXTE / MANIFESTE DE DIPLOME ?

SOL

J’étais partie dans l’idée de vous montrer un film, mais toujours à l’état de maquette à cette heure, l’amphithéâtre des loges se révélait trop intimidant.

J’ai donc choisi de vous présenter une petite conférence, un e sorte de manifeste pour une re-sensibilisation au sol accompagné d’un power-point, outils que j’affectionne particulièrement au format paysage. Manifeste dont le titre serait donc : Les chèvres, 50% sol - 50% ciel, et les Institutions.

Imaginez, sur les parois de Lascaux à côté de la vache tombant, des bouquetins aux cornes élancées. C’est par notre union inter-spécifique avec cette même famille d’animaux, celle des Capra, que nous avons enfanté les chèvres domestiques - capris, il y a environ 10 000 ans.
Au néolithique, la domestication nait de notre sédentarisation, est-ce que les institutions aussi ?

En 2022, mon échange à la Tokyo University of the Arts et ma participation au projet Yagi No me - Goat’s Eyes Project au côté de l’artiste Ozawa Tsuyoshi, m’ont permis d’approfondir certaines réflexions sur les pratiques agricoles et l’expérience de la co-habitation avec deux chèvres au sein de l’institution. En effet, sur le second campus, plus rural, de l’école de la GEIDAI, les Beaux-Arts de Tokyo, l’atelier à instauré une pratique d’élevage collectif depuis 2020. Les soins sont prodigués par les étudiant et étudiantes ainsi que par toute personne désireuse de s'y joindre.

Forte de cette proximité nouvelle avec des chèvres, j’ai observé la forme horizontale de leurs pupilles et la position latérale de leurs yeux, caractéristique commune chez les herbivores, qui leur permet de maintenir un champ de vision prudent et panoramique de 320° à 340°. Leurs globes oculaires peuvent également tourner sur eux-mêmes pour maintenir la pupille horizontale par rapport au sol lorsqu'elles bougent la tête ou lors d’ascension d’espaces escarpés. Surveillant en permanences cette terre à la fois nourricière et peuplé de prédateurs. Ces caractéristiques physiques, biologiques, d’attention au sol, sont d’autant souligné qu’elles le façonnent, l’alimentant de leurs excréments et sélectionnant par leur appétit les plantes qui y seront arrachées.

De plus, tout comme la forme de leurs pupilles, cette cohabitation au sein de l'école permet au groupe de déployer tout un réseau de liens horizontaux entre les élèves, le corps enseignant, les différents agents de maintenance de l’école, le reste du territoire et les autres vivants qui l’occupent. Je développe alors une théorie personnelle, peut-être est-ce en raison de notre vision, bien différente, que nous avons imaginé une société verticale et hiérarchisée ?

Alors que je creuse à la suite de Archichiens, une méga-empreinte dans le bac à sable, personne ne semble prêter attention à mon énigme. Le projet se transforme en petite étude de sociologie d’attention au sol dans un bac à sable. Étude menée pendant 1h environ, puisque c’est le temps qu’il a fallut pour que l’empreinte disparaisse, sous les pieds de parents préoccupés.

Il semble donc évident que les occupants du parc d’Asnières sur seine, et du reste, ont majoritairement perdu leur sensibilité avec le sol. De par notre vision qui s’élève au-dessus de celui-ci, notre obsession de le couvrir de béton ou encore la création de l’agriculture hors-sol, tout semble indiquer cette tendance.
Notre corps humain ne nous donne accès qu’à un certain nombre de sens. Or, j’aime imaginer que notre co-évolution aux côtés des animaux domestiques nous permet une altérité plus profonde, une sensorialité hybride, comme un nouvel axe de réflexion sur nos potentiels communs.

Ainsi, j’imagine une paire de lunettes prototypale en carton gris. Qui une fois sur le nez focalise notre attention sur le sol. À la fois gène et outils méditatif, les lunettes soulignent notre peu d’attention au sol. Dont j’en proposerai l’utilisation lors de l’accrochage CRUSH, en accord avec les commissaires et visiteur.euses.

C’est aussi dans cette logique manifeste que je choisi d’élaboré un nouveau protocole au Beaux-Arts de Paris, l’institution que je fréquente depuis bientôt 5 ans. J’avais déjà évoqué l’hypothèse que les espaces d’exposition réservés aux accrochages y était démesurés, comparé aux constructions et espaces que l’on réservait aux autres formes vies. En collaboration avec un ingénieur, nous avions imaginé à quatre mains une formule mathématique afin de rendre compte de la taille du chien de la cour vitrée, si cette dernière avait les proportions d’une niche.

Voici ici le chien de l’amphithéâtre des loges, haut de 3m97 au garrot. Notez que dans mes calculs je n’ai pas pris en compte l’inclinaison du sol, de la même façon que je n’avais pas compris les 16% de dénivelé de la cour vitrée. J’avais moi-même oublié le sol. Il fallait désormais inverser la tendance et apprendre à le regarder.

C’est de cette recherche que découle le projet suivant “qu’est-ce qui pousse au sommet ?» que je mène aux côtés de la botaniste Anna Fresné et qui consiste en la formation d’une archive des plantes vivants dans le jardin de la direction, aujourd’hui appelé le jardin de l’hôtel Chimay par l’administration par soucis éthique, j’imagine.

Après consultation avec les responsables des collections, j’ai découverts qu’aucun document ne portant sur le jardin n’ont été conservé, contrairement aux quelques images du feu jardin Lenoir, aujourd’hui, heureusement, en reconstruction.
Cette énigme, ce manque d’attention ou de valeur accordé par L’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, connue pour son affecte au patrimoine n’est pas si étonnante. Contrairement au Jardin Lenoir, aucune oeuvre permanente, de grande envergure, n’a jamais été exposée dans le jardin de la direction. Comme le témoigne les arcades de l’hôtel Torpane, toujours disposé autour de l’emplacement Lenoir.

La question de l’institution semble alors devenue : Pourquoi garder trace d’un sol sans culture ?